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Jamais un NFT n’a été acheté plus de 69 millions de dollars !

À chaque fois que je lis un article grand public traitant de l’art et des NFTs, j’y vois une référence à la vente, par Christies, de l’œuvre de Beeple “EVERYDAYS: THE FIRST 5000 DAYS” et il semblerait que personne n’ait envie de remettre cette vente en contexte.

Petit rappel des faits : Le 11 Mars 2021, la maison de ventes aux enchères Christies organise sa première vente, pour laquelle elle acceptera les paiements en cryptomonnaie. Cette vente inclus une œuvre NFT de l’artiste Beeple.

L’art de Beeple.

Beeple est un artiste numérique qui a une production foisonnante. Depuis 2007, il crée une œuvre par jour. Comme JuL en début de carrière, me direz-vous. C’est avant-tout une pratique qui sert d’entraînement : En s’évertuant à créer une œuvre par jour, Beeple s’astreint à peaufiner ses techniques et sa maîtrise des outils numériques, Adobe Illustrator, Cinema 4D, etc.

L’œuvre vendue par Christies ce jour-là regroupe donc ses créations quotidiennes des 5 000 premiers jours.

Rien que ça, c’est amusant.

Souvent, aujourd’hui, quand on va dans une énième exposition Picasso, on entend des visiteurs éclairés se plaindre : « non mais ça va ! On ne va pas exposer tous les brouillons de Picasso, y en a marre ! ». C’est-à-dire qu’il est maintenant commun de penser que le processus créatif d’un génie artistique n’a pas sa place dans une exposition. Par contre, cela paraît cohérent de vendre les 5 000 brouillons d’un inconnu, disons d’un peu connu, pour plusieurs millions de dollars.


Et puis, comme c’est mon blog, je vais donner mon avis sur les œuvres de Beeple (vous pourrez les voir sur OpenSea, ici) : Je n’aime pas du tout. C’est sympa pour un écran de veille, mais je ne les accrocherai jamais au mur. On est vraiment dans l’art-concept assez classique d’internet : Je regarde l’image – Je saisi l’idée qui est exprimée. C’est très rassurant. Ça donne l’impression de « comprendre l’art ». Mais, à ce moment-là, selon moi, on vient tout juste de passer à côté de la notion même d’art : ça ne doit pas se comprendre, ça doit se sentir.

Les modalités de la vente.

L’œuvre de Beeple a été achetée en Ethereum (cryptomonnaie) par MetaKovan, créateur de MetaPurse, un portefeuille de NFTs.

C’est donc une vente qui s’est appuyée sur un actif financier virtuel, qui supporte la technologie de Smart Contract, nécessaire à la création de NFT. La technologie utilisée pour payer était donc liée à la technologie utilisée pour certifier l’authenticité de l’œuvre, et l’acheteur en question est une partie-prenante du marché numérique associé. En investissant autant d’actifs virtuels, il pouvait donner du crédit à la technologie qui constitue son fond de commerce, ce qui permettait d’augmenter la valorisation de son marché.

L’investissement lié à cette vente de Christies tenait donc plus de la spéculation pour la spéculation, que d’une secousse émotionnelle provoquée par l’œuvre. Ainsi l’acheteur déclarera dans une interview :

I think this is going to be a billion-dollar piece,” Metakovan says […] “I don’t know when.” (« je pense que cette œuvre sera valorisée 1 milliard, déclare Metakovan, je ne sais juste pas quand »)

Aljazeera

Et sa prédiction aura plus de chances de se réaliser, si le marché des NFTs est pris au sérieux. Ainsi, suite à cet achat, pouvait-on lire nombre d’articles qui évoquaient un virage du marché de l’art. Mais quand on regarde de plus près, on pourrait plutôt se dire que c’est le marché de la tech’, qui a investit un grand montant d’actifs virtuels dans 5000 expérimentations technologiques, en espérant se donner du corps.

Conclusion

Sans accuser l’acheteur d’une manipulation ou d’un coup de com’, on est quand même en droit de le supposer : un acteur historique de la tech, investit une parties de ses actifs virtuels, dans la perspective qu’ils prennent encore plus de valeur. Ainsi l’œuvre de Beeple n’a pas été vendues 69 millions de dollars, comme on peut le lire partout, mais 42 329.453 ETH, alors valorisés 69 millions de dollars.

On peut s’amuser de voir comment le sujet fut traité dans les média, et comme le marché de l’art peut, parfois, ôter toute forme de rapport sensible à l’art, pour n’être finalement qu’un marché.

« Approchez ! Approchez ! Qu’elles sont fraîches mes œuvres d’art ! »

En tout cas, aujourd’hui, il n’est pas sûr que l’œuvre soit parvenue à maintenir sa côte (cf. OpenSea). Si le jeton lui-même est non fongible, on peut se demander si sa valeur associée l’est tout autant, donc investissez prudemment.

Plus d’infos.

  • J’ai gardé le communiqué de presse de Christies, c’est ici.