Grâce au fainéasses qui refusent de travailler jusqu’à ce que leur corps cède à l’épreuve du temps, je me suis acheté un biclou. Si t’as lu mes articles précédents (au moins celui-là), t’as compris que j’aime les résistances au système, car elles lui permettent de muer. Par contre, je n’aime pas forcément les transports bondés, le nez logé dans des aisselles d’étrangers. Alors pour les éviter, faudrait venir à pieds. Mais si au-delà des panards, t’as des roues, tu gagnes en mobilité, au moins sur la distance. Il était donc temps de se bio-motoriser, de transformer la longue séries de chutes des gros pédestres en révolution mécanisée sur pédalier. Retour sur le choix d’un modèle et sur ce qu’il a jusqu’ici apporté.
Quel vélo acheter ?
Lorsqu’on aborde toute nouvelle discipline, on se rend compte de toutes les manières de la pratiquer. Le style, les façons de faire, les pratiques. On a le fixie, le vélo de ville ou le vélo de route, le MTB (le VTT anglais), le BMX, la bicyclette hollandaise, et j’en oublie. Comme dans tout jeu moderne, il faut choisir sa classe : est-ce que je veux plus de vitesse, plus de légèreté? Je veux pouvoir sauter des trottoirs ou slalomer ? Est-ce que je m’en fous ? Ou est-ce que ça a de l’intérêt ? Perso, j’ai choisi le VTT spécial wheeling. L’évidence.
Le wheeling MTB .
Le wheelie ou wheeling, c’est la roue arrière, le Y façon cross volé. La sur-spécialisation sociétale a transformé la pratique du zonard en bas des blocs en une discipline à part entière. Celui qui passait son temps dans la rue, à tenter de s’occuper à vélo peut maintenant devenir célèbre.
J’ai commencé à m’y intéresser avec les clips d’A$Ap Ferg, comme Floor Seats ou Plain Jane deux ans plus tôt (2019 & 2017). On y voit des BMX montés avec des roues de 26 pouces. A$AP Ferg en a d’ailleurs fait éditer un en 2019 via une Collab’ avec Red Line. Ces grandes roues rendent les figures sautés plus complexes, et ceux qui en ont ne font donc que cabrer…
Il existe dorénavant un style de vélo dédié à la pratique de la roue arrière.
Je ne sais pas lever, mais cette nouvelle me ravit. Les USA, toujours premier dans l’émergence des pratiques artistiques urbaines (je ne me base que sur le hip-hop et le skate, mais c’est déjà ça), ont authentifié une nouvelle discipline des jeunes citadins. Car « lever », c’est produire et maintenir un équilibre engageant tout l’être, moment après moment, comme danser sur une corde.
“Danser sur une corde, c’est de moment en moment maintenir un équilibre en le recréant à chaque pas grâce à de nouvelles interventions ; c’est conserver un rapport qui n’est jamais acquis et qu’une incessante invention renouvelle en ayant l’air de le « garder ». L’art de faire est ainsi admirablement défini, d’autant qu’en effet, le pratiquant lui-même fait partie de l’équilibre qu’il modifie sans le compromettre. Par cette capacité de faire un ensemble nouveau à partir d’un accord préexistant et de maintenir un rapport formel malgré la variation des éléments, il tient de près à la production artistique. Ce serait l’inventivité incessante d’un goût dans l’expérience pratique.”
Michel de Certeau – L’invention du quotidien. 1. Arts de faire.
Il a tout dit c’bâtard !
La scène européenne du wheeling est trustée par les plus jeunes. La star, Jake 100. Toujours souriant, il rayonne d’un parfait épanouissement dans sa pratique. Il est payé à faire ce qu’il aime : sescendre sur une roue toutes les routes qui feront son chemin.
Sa popularité a cru avec les BikeStormz, ces rassemblements de vélos à Londres pour lutter contre la violence des plus jeunes, avec pour devise « Knives down, bikes up » (couteaux baissés, roues levées). Alors certes ces jeunes sont imprudents, mais n’est-ce pas là la seule expression de leur jeunesse ?
Bref, Jake 100 a fait une collab’ avec Collective Bikes, initialement une marque de BMX, pour éditer un MTB dédié au wheeling, le C100. Cette mutation du type de produit de la marque se justifie aisément par le fait qu’une grande partie des pratiquants du Y en Europe ont souvent des VTT. On a donc un VTT urbain, un seul plateau, juste dix vitesses : le terrain de la ville est plus aplati que celui de la campagne. Il varie moins. Il est plus bitumeux. Les pneus sont slicks et les freins hydrauliques. On doit pouvoir freiner d’urgence, et pouvoir doser pour lever. Il a une fourche, ce n’est pas absolument nécessaire si on ne veut pas s’entraîner au lève, mais on peut la bloquer. Bref, c’est le vélo parfait pour le cycliste joueur, celui qui veut sauter des trottoirs ou des dos d’ânes. Celui qui aime piler en freinant de l’avant, ou simplement celui qui voudrait des vitesses pour les vallonnements.
La bike life (la vie d’vélo)
Tout d’abord, le vélo offre une nouvelle façon d’appréhender la ville. Une nouvelle perspective. Il nous sort des sous-sols uniformes du métro et substitue à l’homogénéité des céramiques la variété des bâtiments et des rues. On est dehors et peut profiter des résidus de libertés que le CO2 laisse à l’air.
De plus, lorsqu’on est sur scelle, on est plutôt sur la route que sur le trottoir. A ce titre, on peut être au centre des grands axes, aux seuls endroits où la ville accorde encore un point à l’horizon.
Quant au physique, maintenant, quand je rentre du travail, j’ai la cuisse chaude et le muscle bandé. Ma bio-mécanique est huilée. Par contre, je lis moins, mais je m’aère tout de même l’esprit par l’attention du trajet. Les soucis du quotidien peuvent alors être balayés par le souffle de ma célérité.
Donc, si tu as la chances de travailler dans la ville où tu vis, juste fais le. T’es pas obligé de prendre un C100, car c’est cher. Mais certainement pas plus que d’autres moins bons.
Enfin, pour ce qui est de mon apprentissage du « Y », pour l’instant, il m’a surtout apporté des hématomes, mais aussi un style de malade.
Si vous voulez voir la scène française, partez de la dernière pub adidas Originals et surfez l’internet, vous atterrirez dessus.
P.S : Si t’as pas capté la sick ref du titre.