Analyse statistique : Visibilité des institutions culturelles sur YouTube

Auteur : Maximo Rose

Licence : CC BY-NC-SA 4.0


Introduction

L'ensemble des chaînes requêtées est accessible ici. Elles ont été regroupées par lots pour des raisons techniques (limitation du nombre d'appels quotidiens de l'API YouTube). Vous pourrez aussi voir comment je les ai regroupées : qu'est-ce que les chaînes "culture" ? Quelles sont les chaînes "média" ou qui sont les "artistes" ? etc.

L'ensemble de ces éléments a été récolté entre février et mai 2021. Les statistiques des vidéos ont pu légèrement évoluer depuis.

L'analyse des données portera sur des comparaisons par secteur d'activité pour évaluer la potentialité de la plateforme YouTube à promouvoir le contenu qu'y dépose les institutions culturelles.

Pour rappel, YouTube n'est pas une simple plateforme de streaming. C'est une plateforme de streaming qui collecte les données de ses utilisateurs et monétise leur temps d'attention. La valeur de YouTube pour une administration n'est pas de permettre le dépôt de vidéos sur le web (d'autres sites le permettent de manière bien plus responsables), mais d'offrir de la visibilité parce que YouTube centralise une grosse part du trafic web.

Dis brièvement : lorsqu'on poste sur une plateforme grand public américaine, c'est pour récolter des vues et des clics. C'est ça l'objectif, sinon autant poster sur PeerTube :)

J'ai réparti les chaînes en plusieurs secteurs distincts :

Rappel des facteurs différenciants pour la promotion de contenus sur YouTube :

En substance, l'algorithme propose:

Analyse de l'activité des institutions culturelles sur YouTube

Dans les blocs suivants nous allons étudier l'activité des chaînes YouTube créées par des insitutions culturelles : postent-elles des vidéos ? Si oui, pour quel volume de vues et à quelle fréquence ?

Dans le bloc de code ci-après on va isoler certaines administrations afin de les colorer sur le graphiques en nuage de points qui suivra.

Après chaque graphique je proposerai un petit bilan d'analyse des résultats.

Moyenne générale & moyenne Top 50

Bilan

La moyenne générale de l'ensemble des vidéos postées par les institutions culturelles du dataset en 2020 est de 10 407 vues.

Si on ne considère que le top 50 des vidéos les plus vues, cette moyenne est de 387 769.

Le nuage de point met en évidence que deux institutions s'en sortent mieux que les autres : l'INA et l'Opéra de Paris.

Analyse de l'activité de Medias, de Youtubeurs et de Youtubeuses

Pour exemple d'autres secteur, on peut étudier l'activité des chaînes média et youtubeurs ou youtubeuses présentes dans le dataset.

Bilan :

On voit un nuage de points un peu plus aérien que celui du secteur culturel. La moyenne générale des vues des media est presque 20 fois supérieure à celle des institutions culturelles.

Même si les Youtubeurs et Youtubeuses semblent être ceux qui ont postés le moins de vidéos, ils et elles sont ceux qui disposent de la plus grande popularité moyenne.

Comparaison des secteurs par superpositions des moyennes mensuelles

Afin de mettre en image les conclusions qui précèdent, on va représenter sur l'année le volume moyen des vues de vidéos par secteur d'activité.

Chaque mois, nous allons considérer le top 50 des vues des vidéos postées par les chaînes du secteur. La moyenne de ce top 50 sera la valeur du secteur pour le mois.

Cela donnera une idée de la popularité des contenus associés, donc du volume de trafic généré par secteur d'activité.

Culture VS. Media & Youtubeurs.euses

Bilan :

Le graphique ci-dessus met en perspective la popularité des contenus culturels institutionnels sur YouTube par rapport à d'autres producteurs de médiation : les médias, les YouTubeurs et les YouTubeuses.

En tant que plateforme grand public, YouTube met en concurrence les contenus que postent les administrations avec tous les autres contenus proposés par des professionnels ou des particuliers.

C'est parmi l'ensemble de ces vidéos, que l'algorithme YouTube devra choisir la liste de celles proposées. Ceci pourrait assurer une vue additionnelle à la vidéo cliquée. L'utilisateur serait maintenu sur la plateforme. Tout le monde y trouverait son compte, même l'oeil de Moscou Américain.

On comprend mieux pourquoi, si je cherche "art contemporain" sur YouTube, la plateforme me retournera plus probablement le contenu d'une chaîne media ou d'un YouTubeur, plutôt que la vidéo postée par un musée.

Exemple : Imprecran de ma recherche YouTube

Autres producteurs de contenus culturels sur YouTube, les artistes peuvent aussi être intégrés à ce graphique pour évaluer le niveaux de visibilité des insitutions sur une plateforme grand public.

Culture VS. Médias & Youtubeurs.euses VS. Rap Français

Moyenne générale et moyenne top 50 pour les chaînes de Rap FR

Bilan :

Les contenus postés par les institutions culturelles sont noyés au milieu de contenus bien plus populaires postés par les autres sources d'information sur le web. Les rapports d'échelle sont si démesurés que, sur le dernier graphique, la zone des contenus déposés par les institutions culturelles colle l'axe des abscisses au point de paraître invisible.

Bravo à JuL et à sa team pour "En bande organisée" qui a explosé tous les records de vues. C'est surtout ça le pic vert en aout !

Il est à noter que ce titre est une collaboration entre plusieurs artistes. Ils ont donc sûrement mis en commun leurs réseaux pour la promotion de leur single. C'est la multiplication des sources qui a créé le fleuve.

Fréquence de post sur la plateforme

Une légende veut que pour être plus facilement référencé par Youtube, il faudrait y poster régulièrement. Dans les blocs suivants nous allons donc étudier la fréquence de post moyenne par secteur.

Pour ce faire, chaque mois, on prendra la moyenne du nombre de vidéos postées par les 6 chaînes les plus actives du secteur. Cette moyenne sera la valeur mensuelle du secteur.

Bilan :

Les institutions culturelles sont plutôt actives sur YouTube. En Avril 2020, elles ont même plus posté que les entités dont c'est le métier : les médias et les YouTubeurs.euses.

Le modèle intéressant est celui des artistes de Rap. Finalement, ils (ou elles) ne postent que lorsqu'ils publient un nouveau clip, c'est à dire une à deux fois par semestre. Cependant, lorsque ça se produit, ils communiquent sur tous les réseaux au préalable. Ils s'assurent aussi que les médias spécialisés proposent un lien vers leur vidéo. Trois fois par an, ils ou elles créent donc un événement qui va pousser un énorme volume de vues sur YouTube (PNL a notamment mis en place des comptes à rebours sur Instagram avant la publication de ses clips sur YouTube). Ce volume initial de vues assurera la popularité de la vidéo, qui sera alors promue par YouTube comme contenu trending.

Ils incarnent finalement un modèle de communication très spécifique, qui ne nécessite pas de poster beaucoup pour être populaire.

On pourrait tenter de comparer les volumes de vues des vidéos en fonction de la fréquence de posts sur une période pour voir s'il est utile de poster beaucoup pour être vu.

Superposons fréquence de post et popularité des contenus pour le secteur culturel

Ceci nous permettra d'établir la nécessiter d'une activité régulière ou non sur YouTube pour y être visible.

Sur le graph suivant, vous verrez :

Bilan :

Comme les rappeurs et rappeuses semblent l'avoir compris, il n'est pas nécessaire de trop poster pour assurer de la visibilité sur YouTube. Mieux vaut avoir un contenu adapté ou inciter beaucoup de monde à aller voir notre vidéo, pour assurer ensuite que YouTube la mette en valeur.

On pourrait, pour la démonstration, faire le même type de graphique pour un autre secteur, comme les Médias.

On aurait pu s'en douter, il ne suffit pas de poster pour être regardé, il faut aussi réussir à se rendre visible.

Taux d'engagement des vidéos par secteur

Autre facteur important pour voir son contenu promu sur YouTube : avoir un contenu engageant. C'est-à-dire un contenu qui fait réagir l'audience, soit avec un like, soit avec un dislike.

Dans les blocs suivants nous étudierons la quantité de likes en fonction du nombre de vues des vidéos, par secteur.

Nous prendrons le top 10 des meilleurs taux d'engagement pour des vidéos de plus de 5000 vues par secteur. Et nous en ferons la moyenne pour associer une valeur au secteur.

(Une vidéo avec 3 vues et 2 likes fausserait évidemment nos statistiques)

Bilan :

Les vidéos les plus engageantes de la cultures sont jusqu'à trois fois moins engageantes que les vidéos des Youtubeurs et Youtubeuses. Ce qui s'explique notamment par le fait que ces derniers produisent du contenu dédié : ils et elles n'hésitent pas à démarrer, conclure, parfois interrompre, leur discours pour dire "Likez ou abonnez-vous, nous en avons besoin".

Si on peut supposer que le taux d'engagement des vidéos culture s'approche de celui des artistes de Rap, la comparaison en volume ramène à la réalité de la visibilité.

Les volumes de vues étant si grands pour les artistes de Rap FR, que même un taux d'engagement de 6%, entraîne d'énormes volumes de likes.

Les professionnels de la plateformes, les YouTubeurs et YouTubeuses, produisent les contenus les plus engageants.

Conclusion

Aujourd'hui, les institutions culturelles ne peuvent pas (ou très peu) bénéficier de la plus-value de YouTube, à savoir la garantie que notre contenu profitera d'une visibilité additionnelle car propulsé dans les vidéos "à suivre" d'un utilisateur YouTube.

Actuellement, pour que le contenu des administrations culturelles apparaissent dans les propositions d'un utilisateur, il est nécessaire que ce dernier soit, soit déjà abonné à la chaîne de l'administration, soit qu'il ait exprimé des intérêts pour des contenus similaires. Il est donc probable de simplement entretenir un entre-soi.

Pour exemple :

La stratégie de communication des insitutions culturelles sur le web devrait être précisées pour :

  1. Garantir que les contenus postés sur les plateformes grands publics sont des contenus pensés pour profiter de la visibilité que peuvent apporter ces environnements : tags appropriés, call to action embarqué dans la vidéo, etc.
  2. Tous les autres contenus des administrations, c'est-à-dire les vidéos qui ne sont pas directement pensées pour la plateformes, devraient être postés sur des sites plus respectueux des utilisateurs, c'est-à-dire qui n'imposent pas la collecte de données personnelles ou la diffusion de publicités abêtissantes. Cette plateforme pourrait affirmer l'engagement de l'Etat dans certains principes de production de services numériques : éco-conception, protection des données personnelles, open source, etc.

N.B : Il existe des moyens d'être visible sur YouTube sans même poster de contenus sur la plateforme.

Si vous faites partie d'une institution culturelle et que vous souhaitez de l'aide pour mettre en place ce type de stratégie de communication, écrivez-moi !

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