A l’instar de l’habitus de la personne physique (pour rappel : une vidéo de Cyrus North ou un de mes précédents articles), la nature de la personne morale est soumises aux remous d’une culture qu’elle se doit d’entretenir, car influant toujours déjà sur sa gestion des événements auxquels elle fait face. C’est cette culture qui est censée unir les employés pour que leur production globale ne soit pas seulement la somme des productions individuelles, mais le développement cohérent d’un mécanisme actionné à la force des bras comme des cerveaux, dans la poursuite d’un objectif commun.
Et pourtant, lorsqu’une entreprise tente de développer une culture éthique, on entend parfois ses détracteurs, internes ou externes, parler de green washing ou de corporate bullshit. Et il y a surement de quoi, si les apparences servent à masquer les failles, ou à taire temporairement les râles. La politique affichée doit être celle appliquée. C’est d’ailleurs à ça que servent les normes, les labels et les réglementations. Elles contraignent les processus de production pour en réduire les écarts possibles par rapport à un modèle considéré conforme. Ce texte explorera donc certains vecteurs de diffusion d’une culture éthique, qu’ils soient vecteur externes ou internes de promotion des valeurs que soutient la personne morale. Il ne traitera que de la gestion des processus de production mais n’abordera pas la communication – au sens relations publiques et communication interne – de ces valeurs, qui est pourtant capitale à leur bonne diffusion. En bref, je vais me contenter de parler de ce que je crois savoir : comment marquer l’intention dans le geste, mais pas comment en parler.
De l’extérieur : afficher des intentions labellisées.
L’intérêt d’intégrer ces sujets aux processus de production est de bénéficier d’un rayonnement bidimensionnel de leurs valeurs. Un premier effet interne altérera l’organisation du travail, voir chapitre suivant, et un second effet, externe, influera sur l’image de l’entité. Ces rayonnements peuvent à l’évidence être catalysés par une communication adaptée.
On recherchera le rayonnement extérieur par l’accès à des étiquettes telles que les labels ou les normes. Le producteur de fruits adaptera ses processus de production au label Bio, le fournisseur de service IT se conformera à l’ISO27001 pour garantir que les données stockées sont en sécurité ; si ses enjeux sont plus sociaux, il veillera à ce que son site web se conforme au RGAA ; etc.
Au-delà de la qualité même du produit, le consommateur éthique s’intéresse dorénavant aux conditions de sa création : est-ce produit en Europe, est-ce que je favorise l’économie locale ? Si non, suis-je sûr qu’on n’a pas exploité les travailleurs, et que ces derniers étaient majeurs ? Le produit ou le service que je consomme peut-il être néfaste pour ma santé physique ou mentale ?
Personnellement, depuis l’essor de ma conscience écologique, j’essaie de lire le About des marques j’achète, ne serait-ce que pour avoir une idée de l’intention portée par leurs produits. Mais je ne pense pas que ce soit la tendance. Ou peut-être pas encore.
De l’intérieur : la systémiser pour l’intégrer à la culture de l’entreprise.
L’accès aux labels, ou simplement la conformité à une réglementation, nécessite l’intégration de nouvelles pratiques de production (voir mon article sur le RGPD). Si ces pratiques peuvent ne pas être nouvelles pour l’organisme, toute mesure de conformité induit un facteur d’auditabilité : on doit pouvoir prouver être conforme. Une démarche de conformité influera donc nécessairement sur le travail des acteurs des processus concernés, puisqu’ils seront a minima contraints de formaliser l’application des recommandations du référentiel.
Et, qui dit évolutions du travail d’un employé dit nécessairement accompagnement de celui-ci, pour partager les objectifs actualisés de l’organisme (“The first secret : One minute goal” ) : le management vise à clarifier les rôles et responsabilité de chacun, le leadership visera à les motiver.
Au delà de l’explication visant à traduire en quoi l’organisme a intérêt à mettre en œuvre ce nouveau processus, l’idéal serait donc que l’employé en partage les valeurs, qu’ils comprennent l’intérêt pour le business, idéalement pour la société, et devienne lui-même prêcheur de ces dernières. Une démarche éthique et conformité doit donc bénéficier d’une mise en application selon un système de représentation holistique de l’organisation du travail. En intégrant de nouvelles valeurs, l’entité, la personne morale, doit pousser ces dernières au sein de chaque partie qui la compose : un changement du Tout modifie toutes ses parties (et un changement d’une partie modifie le Tout). L’ITIL V3, modèle holistique et empirique de gestion de services IT, déclare systématiquement comme facteur clé de succès de la mise en place d’un processus le support et l’adhésion du management senior, car il garantit, en théorie, la diffusion des objectifs à l’ensemble des managés.
Conclusion.
La culture d’une société a toujours plusieurs faces. Il y a l’image que les autres s’en font, et les pratiques des individus qui la composent. L’habitus de la personne morale est alors fonction de celui de ses personnes physiques. C’est parce qu’on attend de la personne morale qu’elle s’améliore, qu’elle croisse ou atteigne des objectifs actualisés, qu’il lui est nécessaire de canaliser ses personnes physiques. Mais une culture n’existe qu’avec un passé formalisé, une histoire des pratiques et des visions. Et, on ne peut imposer une culture, il faut l’enseigner (je vais éviter les rappels historiques). C’est peut-être d’ailleurs à ce titre qu’a émergé la notion de soft skills sur le marché de l’emploi des cadres qui favorise les approches managériales douces, inscrivant création, empathie et curiosité dans le recrutement qui composera la personne morale. Mais ce sera là l’objet d’une prochaine théorie. D’ici là, bisous.